Avec près de 210 M euros investis en mars, les VCs français ont retrouvé tout leur allant et sont secondés par le redémarrage de la Bourse.
210 M euros récoltés : le mois de mars 2014 restera dans les annales comme l’un des meilleurs pour les PME technologiques françaises dans toute la – brève – histoire du financement de l’innovation tricolore. Alors que les mois de janvier et février avaient marqué un léger ralentissement par rapport à la fin 2013 et aux mêmes mois de l’année précédente, les investissements se cabrent soudain (cf. graphiques). Le premier trimestre de l’année se clôt ainsi avec presque 300 M euros investis dans les start-up, contre 137 M euros pour le début de 2013 (+ 81 %).
Ce résultat semble d’autant plus impressionnant qu’aucun deal hors norme, comme le tour de 100 M euros de Deezer, en octobre 2012, ne vient doper les statistiques. Cette brusque accélération s’appuie principalement sur cinq deals compris entre 15 M euros et 32 M euros. L’énergéticien McPhy Energy remporte la palme (32 M euros), avec son IPO. Il est suivi par trois biotech, à savoir Nanobiotix, Cellectis et la toute jeune Inotrem, qui signe un premier tour magistral à 18 M euros. La start-up télécoms Sigfox Wireless (15 M euros) complète la liste. Cela étant, assiste-t-on vraiment à un retournement de tendance, ou à un simple feu de paille ?
« Depuis le début de l’année, des cibles intéressantes se présentent de plus en plus souvent, mais en capital-risque chaque entreprise est un cas particulier et il faut se garder de tirer des conclusions hâtives », met en garde Hélène Mareschal, présidente de CM-CIC Capital Privé. Une hirondelle ne fait pas le printemps. En mars, des FCPI de ce gérant ont notamment participé au P.i.p.e. d’Oncodesign aux côtés de CM-CIC Capital Innovation, pour 12,8 M euros. Et là se trouve sans doute l’une des clés du mystère. Au total, les quatre sociétés qui ont reçu un P.i.p.e. dans le mois – McPhy Energy, Nanobiotix, Cellectis et Oncodesign – ont engrangé 93,4 M euros, soit 53 % des sommes levées.
Un nouveau rôle pour la Bourse
Or, il est devenu de rigueur pour les investisseurs historiques de réinvestir lors de l’IPO pour envoyer un signal favorable au marché : la période de lock-up ne suffit pas. Une sorte de cercle vertueux s’enclenche ainsi. Dans le cas de McPhy Energy, par exemple, les VCs ont investi 7 M euros sur 32 M euros, en deux tranches conditionnées par les souscriptions sur le marché. « C’est un mécanisme général : il faut voir désormais la Bourse comme un système de refinancement et non de sortie », explique le partner Alessio Beverina, qui a géré l’investissement de Sofinnova Partners dans la start-up depuis le premier tour, il y a quatre ans. Les sorties ont lieu après l’IPO, sur les valeurs publiques, comme cela a été le cas pour Omthera, une biotech du portefeuille de Sofinnova rachetée un mois après sa cotation sur le Nasdaq. Les temps où Kelkoo faisait levier sur la menace d’un IPO pour mieux négocier son rachat par Yahoo ! sont loin : il convient maintenant de faire les deux.
Pour les gérants qui ont un horizon suffisamment long, l’effet de la cotation semble encore limité : « Nous avons réinvesti dans le placement secondaire de Nanobiotix avant tout parce que nous croyons à son potentiel », sourit Karine Lignel, de CM-CIC Capital Innovation, qui investit les fonds propres de la banque. Mais ces VCs captifs sont rares, et pour tous les autres le marché offre naturellement une solution de liquidité pour les fonds les plus anciens, tout en permettant d’attendre le point maximum de création de valeur. « Dans chacune de nos IPO récentes, comme DBV Technologies, Stentys, Ablink, le marché a apporté un complément de ressources qui a permis d’aller au-delà de ce que le capital-risque, seul, aurait pu offrir », poursuit Alessio Beverina.
La tendance semble bien assurée, désormais, pour tout ce qui touche à la santé : les réussites de Medtech, Crossject et Oncodesign annoncent sans doute l’accueil que le marché réservera aux nombreuses introductions prévues d’ici à l’été, à commencer par Supersonic Imagine. McPhy Energy est en revanche la première société des « technologies dures » à réussir son IPO. Les particuliers semblent avoir joué un rôle important dans son succès : « Ils ont apporté plus de 13 % des souscriptions – 27,5 M euros précisément. C’est énorme ! », s’exclame Alessio Beverina, qui l’explique par deux facteurs : « McPhy Energy a réalisé la première IPO éligible au PEA-PME et les gens ont bien perçu l’idée de créer un champion français de la transition énergétique. »Au total, la start-up iséroise, qui propose des solutions de stockage de l’énergie par l’hydrogène, a vu son offre sursouscrite 8,6 fois, à 207,3 M euros. On peut espérer qu’elle fasse école et que des sociétés comme SolaireDirect, par exemple, trouvent dans la Bourse de Paris un relais suffisant pour leurs ambitions.
Des doutes sur le numérique
En revanche, dans les TIC, le sujet semble plus complexe. Les yo-yos de Criteo au Nasdaq donnent des émotions aux VCs : après s’être envolé en février et début mars, le cours est retombé non loin du niveau de l’IPO. Et la Bourse de Paris semble encore peu favorable à ces grandes introductions, de plusieurs centaines de millions d’euros. En parallèle, les prises de participation restent relativement contenues dans ce secteur : la plus élevée du mois de mars, et de l’année en cours, aura été Synthesio, un éditeur de logiciels de marketing dans lequel Idinvest Partners a misé 14 M euros au deuxième tour. Le même mois, la californienne Cloudera, qui édite une distribution du logiciel open source Hadoop, levait… 900 M$. La start-up française la plus proche, implantée en Californie depuis plusieurs années, Talend, a dû se contenter en décembre de 29 M euros. « L’impression d’un décrochage croissant par rapport aux Etats-Unis devient de plus en plus grande, résume Hélène Mareschal. Les VCs en France vont pouvoir miser quelques dizaines de millions d’euros alors qu’outre-Atlantique, toutes choses égales par ailleurs, une start-up de la même activité lèvera de 50 à 100 millions beaucoup plus rapidement, prenant ainsi une longueur d’avance considérable. » Un problème auquel devra s’attaquer le nouveau ministre de l’Economie numérique, Arnaud Montebourg.
Par Jean Rognetta
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