Pour les lauréats des Prix La Tribune Jeune Entrepreneurs décernés par La Tribune, lundi 2 juin au Grand Rex à Paris, le plus dur commence peut-être. En effet, si les entreprises parviennent relativement facilement à financer les premières étapes de leur développement, elles peinent ensuite à trouver les fonds pour accélérer leur croissance et atteindre une taille critique. Mais des solutions commencent à émerger.
Le plus dur est peut-être à venir pour les six lauréats du Prix des jeunes entrepreneurs décerné lundi 2 juin par La Tribune. Une fois le projet lancé, la question du financement du développement de l’entreprise n’est pas le moindre des cauchemars pour les entrepreneurs en quête de plus de 2 millions d’euros. Pour les premiers, il y a l’argent susceptible de venir de leur famille et de leurs amis, le fameux « love money », ainsi que les quelque 100 millions d’euros que les 7.000 business angels de France investissent, bon an mal an, dans de jeunes entreprises. Les seconds, eux, commencent à intéresser les fonds de capital-risque, qui, ne disposant plus de ressources suffisantes pour prendre des risques, justement, se concentrent désormais sur des sociétés plus matures.
Entre 500.000 euros et 2 millions d’euros, en revanche, il n’y a rien. » C’est vraiment regrettable. Passées les premières années de leur existence, les entreprises ont besoin de plus de capitaux pour atteindre une taille critique, via par exemple des consolidations, et obtenir une puissance financière leur permettant d’innover et d’exporter. Sans cet apport d’argent frais, investi sur un horizon relativement long, le projet du chef d’entreprise risque bien de ne pas aller à son terme « , explique Jean-David Haas, associé et directeur général du fond d’investissement NextStage.
Bientôt le crowdfunding
C’est ce qu’on appelle » l’equity gap » ou » la vallée de la mort « . Laquelle pourrait bientôt devenir plus aisée à traverser pour les aspirants-entrepreneurs, grâce notamment à l’essor du crowdfunding, ce nouveau mode de financement qui met en relation quasi-directe – via Internet – des start-up en quête d’argent frais avec des particuliers désireux d’investir ou de prêter leurs économies. C’est précisément comme une solution au problème de » la vallée de la mort » que Fleur Pellerin, alors ministre des PME, avait présenté, le 14 février, le projet de règlementation du crowdfunding, qui entrera en vigueur en juillet. Une règlementation qui permettra aux jeunes pousses de lever auprès d’épargnants jusqu’à 1 million d’euros via les plateformes d’investissement en fonds propres (crowdequity), et ce sans avoir à publier le lourd prospectus d’informations habituellement requis par l’Autorité des marchés financiers pour tout appel public à l’épargne supérieur à 100.000 euros. Les porteurs de projets pourront également emprunter jusqu’à 1 million d’euros auprès de particuliers, au travers des plateformes de financement participatif spécialisées dans les prêts.
Les entrepreneurs à la rescousse
Autre bonne nouvelle pour les jeunes entrepreneurs à la recherche de 500.000 à 2 millions d’euros : la multiplication des fonds dits, précisément, d’entrepreneurs, fondés par des créateurs d’entreprise à succès. Lancé en 2013 par trois entrepreneurs issus du monde des télécoms et de l’Internet, dans le sillage des célèbres Kima Ventures et Jaïna Capital de Xavier Niel et de Marc Simoncini, Breega Capital, par exemple, se positionne précisément sur le créneau de l’equity gap. Et ces fonds d’entrepreneurs n’apportent pas seulement de l’argent aux apprentis-créateurs d’entreprise, mais également de la « smart money », c’est-à-dire leur expérience et leur carnet d’adresses.
Le rôle de l’État
Que peut faire l’État ? Au regard de la situation de ses finances publiques, a-t-il les moyens de participer, au moins partiellement, au financement de la croissance des entreprises. Ne martèle-t-il pas que la France doit combler son retard en matière d’entreprises de taille intermédiaire (ETI) par rapport au Royaume-Uni et surtout l’Allemagne. En effet, quand la France compte 4.800 ETI – des entreprises dont le effectifs dépassent 250 entreprises et dont le chiffre d’affaires ne dépasse pas 1,5 milliard d’euros -, ces deux économies en recensent respectivement 10.000 et 12.500. Selon la plupart des économistes, cet écart expliquerait en grande partie le décrochage de la compétitivité tricolore observé depuis le début des années 2000.
Fruit de la fusion d’Oseo, de CDC Entreprises et du Fonds stratégique d’investissement (FSI), Bpifrance, dont la force de frappe financière s’élève à 42 milliards d’euros, a la vocation de venir en aide aux entreprises ayant la capacité de devenir des ETI. Depuis 2010, la banque publique a accompagné trois ETI sur cinq. Au total, sur cette période, plus de 2.000 ETI ont bénéficié de son soutien, à hauteur de 11 milliards d’euros. Et ce n’est pas fini.
Parce qu’une étude menée par la banque indique que plus de 3.000 ETI sont sur le point de renouer avec l’investissement, que 600 ETI ont un très fort potentiel de croissance, que 800 ETI s’apprêtent à faire évoluer significativement leur capital, Bpifrance a lancé un plan intitulé Ambition ETI 2020. Il prévoit l’injection de 3 milliards d’euros dans les fonds propres des entreprises, via le Fonds ETI 2020 et de faire passer de 2,5 à 5 milliards d’euros le montant de crédit octroyés aux ETI d’ici 2020.
Christine Lejoux et Fabien Piliu